Une grille simple pour comprendre l’irrationnel humain : le modèle EPS/EPV

Table des matières

1       Introduction.

2       Une grille simple, un verrou invisible.

3       Du verrouillage émotionnel à la répétition collective : un défaut structurel de l’intelligence émotionnelle.

4       Une avancée par rapport aux modèles classiques.

4.1        Les limites des démarches de développement personnel ou de psychologie qui simplifient à l’excès.

5       Ce que cela éclaire dans le monde.

6       Plusieurs modèles tentent d’expliquer les comportements humains :

6.1        Ce que disent d’autres disciplines.

7       Pourquoi rouvrir l’émotion est la clé.

8       Conclusion.

V05-08/25

1          Introduction

Et si la plus grande entrave à la liberté humaine ne venait pas de l’extérieur… mais d’un verrou intérieur que nous ne voyons même pas ?

Pourquoi l’humain agit-il si souvent contre lui-même émotionnellement ?

Pourquoi reproduit-il des schémas de souffrance … même quand il croit les éviter ?

Une grille simple pour comprendre l’irrationnel humain : le modèle EPS/EPV :

2          Une grille simple, un verrou invisible

Le verrouillage émotionnel est un mécanisme invisible mais structurant.

Il explique pourquoi l’humain réagit plutôt qu’il ne choisit, pourquoi il reste prisonnier de schémas qu’il croit maîtriser.

Le modèle EPS/EPV (Enfant Perdu Sensible / Enfant Perdu Verrouillé) offre une lecture claire de cette dynamique :

  • EPS (Enfant Perdu Sensible) : reste en contact avec ses émotions, même confuses ou douloureuses. Il ressent, souffre parfois, mais peut traverser ses blessures.
  • EPV (Enfant Perdu Verrouillé) : a verrouillé l’accès à ses émotions, souvent dès l’enfance. Il ne ressent plus vraiment, mais réagit par automatismes. Ses choix sont dictés par des mécanismes inconscients de défense (peur du rejet, besoin de contrôle, rigidité mentale, adhésion à des croyances figées).

L’EPV n’agit pas librement : ses émotions verrouillées pilotent ses comportements, sans qu’il en ait conscience.

EPS (Sensible)EPV (Verrouillé)
Ressent, et traverse ses émotionsBloque ou évite ses émotions
Capable d’empathieDéconnecté de l’empathie réelle
Cherche du sens et de la reconnexionCherche à contrôler et justifier

3          Du verrouillage émotionnel à la répétition collective : un défaut structurel de l’intelligence émotionnelle

Lorsque le cerveau verrouille l’accès à la souffrance pour survivre à une blessure non reconnue, il crée un dysfonctionnement profond de l’intelligence émotionnelle. Ce n’est pas une absence d’intelligence au sens cognitif, mais un court-circuit affectif : le sujet n’a plus accès à une lecture juste de ses émotions ni de celles des autres. Il interprète le réel à travers un filtre de protection inconsciente.

Ce défaut de connexion émotionnelle engendre alors une série de comportements prédictibles, caractéristiques du profil EPV (Enfant Perdu Verrouillé) :

  • besoin de contrôler pour éviter d’être à nouveau blessé,
  • besoin d’avoir raison pour se protéger du doute intérieur,
  • tendance à juger, critiquer, dénigrer pour renforcer une image de force,
  • refus d’introspection, déni de la souffrance, refus de la remise en question,
  • projection de la faute sur l’autre, inversion accusatoire, ou gas lightning (manipulation psychologique visant à faire douter une personne de sa propre perception de la réalité).
  • dissociation émotionnelle prolongée → absence d’empathie réelle.
  • L’inversion accusatoire de l’aggresseur qui se considère « juste » et « victime » pour légitimer ses propres accusations et aggressions (vengeance déguisée)
  • Le harcèlement, les aggressions sexuelles,
  • Les exclusions identitaires, ou sectaires

Quand ce fonctionnement se généralise à l’échelle collective, il produit des comportements de masse irrationnels – des formes spectaculaires de refoulement émotionnel collectif :

  • le fascisme, le léninisme, le négationnisme, le déni de l’impact de la destruction massive de la bio diversité, fixation sur des récits alternatifs sans possibilité d’ouverture au débat → tentatives de convertir l’autre à une vérité verrouillée;
  • les massacres de masse (Hutu/Tutsi, pogroms, génocides) → déshumanisation de la cible pour éviter le miroir de la propre souffrance ;
  • les attentats kamikazes ou terroristes → négation de la peur, sublimée en fanatisme ;
  • l’élection de leaders toxiques (Trump, Bolsonaro…) → projection du besoin de sécurité sur une figure autoritaire ; un individu peut voter pour ces figures sans être nécessairement en posture EPV, mais le phénomène de masse peut s’interpréter en grande partie à travers cette lentille émotionnelle.
  • les manipulations de masse via les réseaux sociaux ou figures charismatiques (Musk, etc.) → usage stratégique des failles émotionnelles du collectif.

Ces dynamiques reposent toutes sur le même défaut fondamental : un verrouillage de la vulnérabilité. Le scénario est répétitif, prédictible, identifiable. Ce n’est ni irrationnel, ce n’est pas non plus un mystère : c’est une conséquence logique d’un cerveau blessé qui n’a jamais appris à se réparer. C’est une clé principale d’explication de ce que l’on considère comme irrationnel dans la société, complémentaire à des dynamiques socio-économiques, éducatives, historiques.

Et cela touche tous les niveaux :

  • individuel : conflit de couple, isolement, violences, harcèlements ;
  • relationnel : domination, manipulation, rejet de l’autre ;
  • structurel : organisations toxiques, dynamiques d’emprise hiérarchique ;
  • sociétal : boucs émissaires, replis identitaires, radicalisation des opinions.

Niveau individuel : un patient qui souffre de douleurs chroniques inexpliquées, et dont les troubles somatiques s’apaisent après avoir reconnu une colère ancienne refoulée (référence : thérapie somatique de Peter Levine).

Niveau relationnel : un couple dans lequel l’un des partenaires, verrouillé émotionnellement, accuse systématiquement l’autre (inversion accusatoire) de maux ou d’exagération : mécanisme de projection typique d’un EPV.

Niveau organisationnel : une entreprise où l’expression des émotions est perçue comme un signe de faiblesse, et qui entraîne des comportements de façade, une perte de sens, et une érosion de la créativité.

Niveau collectif : pendant le génocide rwandais, la déshumanisation systématique des Tutsis (et Utus à leur heure) peut être analysée (en complément des facteurs politiques) comme une forme de verrouillage collectif de la vulnérabilité par la haine.

Ce verrouillage émotionnel individuel (qui peut être amplifié par des blessures transgénérationnelles) explique pourquoi certains comportements irrationnels semblent se transmettre de génération en génération (voir articles bulle , automates…).

Le verrouillage émotionnel n’est pas pathologique en soi, c’est un mécanisme d’adaptation qui devient limitant lorsqu’il perdure sans être reconnu.

Tant qu’un individu ou une société n’aura pas reconnu la nature, intérieure et non extérieure de la problématique, et émotionnelle du verrou, l’irrationnel humain restera la norme.

Et l’histoire se répétera.

Encore.

Et encore.

Intellectuellement tout le monde possède la conscience et « voit » qu’il y a une réelle dissonance, un discours qui semble rationnel mais qui ne possède pas de bon sens, il y a comme un mouvement de non sens sociétale. Jusqu’ici personne n’arrive à mettre les mots qui permettent d’expliquer ce phénomène, les articles qui sont écrits ici (livre en cours) sont la pour apporter une clé pour comprendre cette situation de dissociation.

Schéma qui décrit le symptôme global

4          Une avancée par rapport aux modèles classiques

À la croisée de la psychanalyse, de la systémique et des neurosciences, le modèle EPS/EPV complète les approches existantes. Il met en lumière un niveau plus profond encore : le verrouillage de la conscience elle-même.

Jung, Freud, Racamier, Karpman, Janier et bien d’autres ont exploré l’inconscient, les dynamiques relationnelles, les blessures affectives.

Mais ce qui manquait à ces approches, c’est la reconnaissance que le verrouillage émotionnel est structurel et automatique.

Le verrou n’est pas seulement une zone obscure de l’inconscient.

C’est un mécanisme qui empêche même la conscience d’en percevoir l’existence tant qu’il est actif.

Tant que ce verrou est là, l’humain croit agir librement, mais il est piloté par ce verrou même.

Le concept de verrouillage émotionnel se rapproche de la notion freudienne du refoulement : l’émotion douloureuse est rejetée hors de la conscience.

Cependant, le verrouillage va encore plus loin en soulignant que la conscience elle-même peut être verrouillée, empêchant toute prise de recul ou réflexion consciente sur la dynamique inconsciente. Cette nuance essentielle permet de mieux comprendre pourquoi certaines personnes restent durablement bloquées dans des schémas répétitifs, malgré une apparente lucidité intellectuelle.

Ce verrouillage émotionnel peut aussi s’exprimer à travers le corps : maux de ventre, vertiges… Ces symptômes corporels, souvent inconfortables, sont en réalité des tentatives inconscientes de « déverrouillage », appelant à la reconnaissance et au traitement des émotions sous-jacentes.

Pourquoi cette idée n’a-t-elle jamais été clairement formulée avant ? Parce qu’elle dérange profondément. Accepter que notre propre conscience puisse être manipulée par notre inconscient est profondément déstabilisant pour l’ego humain. Cette idée peut même sembler vertigineuse, et demande souvent du temps avant d’être pleinement intégrée.

4.1           Les limites des démarches de développement personnel ou de psychologie qui simplifient à l’excès

L’approche Adlérienne et Kishimi (livre « Avoir le courage de ne pas être aimé ») ont le mérite d’inviter chacun à sortir de la dépendance au regard d’autrui, à assumer sa différence, à oser vivre sans attendre la validation extérieure.

Mais ce discours, s’il n’est pas accompagné d’un véritable travail sur la blessure émotionnelle, risque de devenir une injonction irréaliste, voire culpabilisante, pour tous ceux dont le verrou intérieur est encore actif.

Le verrou existe. Il est réel, structurant, et parfaitement invisible pour la conscience de celui qui le porte.

Je le vois chaque jour, en entreprise, dans mes accompagnements et mes recherches : tant que la blessure n’a pas été reconnue, tant que le verrou n’a pas été identifié, la liberté intérieure reste un mythe.

Vouloir passer directement à la souveraineté émotionnelle, sans traverser cette étape d’accueil et de réparation, c’est nier la réalité du mécanisme de protection mis en place par le psychisme.

Ce n’est pas une question de volonté, mais d’accès intérieur à sa propre vérité blessée.

5          Ce que cela éclaire dans le monde

Les EPV consomment non par désir conscient, mais pour combler un vide émotionnel non ressenti.

Ils adoptent des croyances rigides non par conviction, mais pour se protéger du doute et de la remise en question.

Ils suivent des figures d’autorité non par choix éclairé, mais par besoin de sécurité intérieure.

Ainsi, nos systèmes économiques, politiques et sociaux exploitent (inconsciemment) le verrouillage émotionnel : peur, urgence, appartenance, autorité.

Cela explique aussi les dynamiques collectives extrêmes :

  • L’adhésion de masse au fascisme,
  • Les violences interethniques au Rwanda,
  • Les choix électoraux clivants (Trump, etc.).

Le verrouillage émotionnel est le moteur caché de ces phénomènes.

Pourquoi les modèles actuels ne suffisent pas

6          Plusieurs modèles tentent d’expliquer les comportements humains :

  • Le cerveau triunique de MacLean distingue cerveau reptilien, limbique et cortical.
  • Daniel Siegel parle de régulation émotionnelle et d’intégration des étages du cerveau.
  • Le modèle DISC catégorise les comportements en profils simples (rouge, vert, bleu, jaune).
  • MacLean ne perçoit pas qu’une blessure émotionnelle puisse durablement court-circuiter la conscience.
  • Siegel parle de régulation mais ne voit pas le verrouillage durable du cortex préfrontal.
  • DISC catégorise les comportements sociaux mais ignore complètement les dynamiques inconscientes profondes.

6.1           Ce que disent d’autres disciplines

Ce modèle du verrouillage émotionnel s’appuie sur de nombreux travaux :

  • Bessel van der Kolk (trauma et corps),
  • Daniel Siegel (désintégration cortex/limbique),
  • Winnicott / Janet (faux self, dissociation),
  • Hochschild (contrôle émotionnel social),
  • Fromm (souffrance et autoritarisme).

Il ne s’agit pas ici de poser une nouvelle théorie isolée, mais d’offrir une grille transversale, accessible, et profondément ancrée dans l’humain.

Ces autres références sont abordées plus en détail dans l’article automate.

Tous ces modèles ont une valeur pédagogique. Mais aucun ne pose l’hypothèse la plus dérangeante :

Que la conscience elle-même puisse être verrouillée par un inconscient blessé, via un mécanisme de survie.

Or c’est ce que nous observons partout : des comportements irrationnels totalement assumés comme « normaux », des discours figés, une absence d’empathie… même chez des personnes cultivées, puissantes ou instruites.

C’est pourquoi nous avons besoin d’une grille de lecture plus fine : une grille qui intègre la possibilité d’un court-circuit qui intervient entre blessure, protection émotionnelle et falsification de la conscience.

7          Pourquoi rouvrir l’émotion est la clé

Le modèle EPS/EPV ne cherche pas à intellectualiser davantage.

Il propose de comprendre que la liberté humaine renaît par la reconnexion à l’émotion vivante, traversée, assumée.

Rouvrir l’émotion, ce n’est pas être submergé par elle,

C’est retrouver sa souveraineté intérieure.

C’est là que commence la véritable liberté, individuelle et collective.

8          Conclusion

La véritable révolution psychologique et sociale ne viendra pas de théories intellectuelles supplémentaires, mais d’un acte courageux : reconnaître que nos véritables chaînes ne sont pas à l’extérieur, comme on nous le répète sans cesse, mais profondément enfouies en nous-mêmes.

Rouvrir la porte à l’émotion vivante, c’est libérer la véritable souveraineté intérieure.

C’est là que commence la vraie liberté, individuelle et collective.

Pour aller plus loin : articles approfondis sur le verrouillage émotionnel, le modèle EPS/EPV, et leurs implications sociales, politiques et spirituelles.

Articles : l’article wetwo.fr/milgram détails les expériences scientifiques validant le modèle, wetwo.fr/peur explique le pourquoi et comment on arrive à cela, l’article wetwo.fr/bulle détail le symptome en lui même, wetwo.fr/amour  précise l’impact dans le couple, l’inversion accusatoire : qui est la vraie victime ? wetwo.fr/victime, la perception et perspective à développer wetwo.fr/perception, la définition de l’enfant perdu wetwo.fr/enfant, l’enfant perdu verrouillé wetwo.fr/epv, l’enfant perdu sensible wetwo.fr/eps….


2 réponses à “Verrouillage émotionnel : la clé invisible derrière les comportements de masse. Et si notre plus grand enfermement était émotionnel ?”

  1. Avatar de Aline
    Aline

    Merci pour cette analyse et cette grille de lecture qui m’a permis de comprendre comment appréhender une situation compliquée dans le domaine professionnel. Grâce a cet article, j’ai pu relativiser et garder confiance en moi, j’ai continué de croire fermement en ma valeur personnelle, sans être affectée par les comportements et jugements extérieurs. Une aide précieuse a ce moment de ma vie.

    1. Avatar de Vénoa

      Bonjour
      Merci beaucoup pour votre message il m’aide à poursuivre mes écrits,
      Bien à vous

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *