ombre

Table des matières

1       Introduction.

2       Pourquoi l’humain projette sur les autres des problèmes qui n’existent pas – et comment cela façonne le monde.

3       Le mécanisme : déposer sa douleur sur l’extérieur

4       Comment cela fonctionne en 4 étapes.

5       Les étapes que le cerveau créées.

6       L’irrationnel est une logique blessée.

7       Et c’est ainsi que les sociétés s’organisent

8       Phrase disruptives de sortie de projection.

9       Ce n’est pas une condamnation. C’est un appel.

V02-04/25

1          Introduction

Et si ce que nous croyons vivre aujourd’hui n’était pas vraiment ce que nous vivons, mais une scène ancienne, projetée dans le présent par une blessure que nous n’avons jamais reconnue ?

C’est ainsi que l’on parle à l’autre… tout en s’adressant à un fantôme.

Une blessure physique non traitée – comme un abcès – peut s’infecter.

Si l’on ne la nettoie pas, si l’on ne la soigne pas, elle peut dégénérer, provoquer une septicémie, et mettre en danger l’équilibre de tout le corps.

Une blessure psychologique, elle, ne suppure pas à l’extérieur.

Elle se cache, elle s’infiltre.

Et si elle n’est pas reconnue, elle se propage autrement :

elle contamine la relation à soi, la relation à l’autre, parfois même la vision du monde.

Ce qui n’a pas été vu, exprimé, digéré, devient une force sourde qui agit en secret : dans les choix, dans les colères, dans les silences.

Comme une infection invisible, elle finit par provoquer de véritables « septicémies émotionnelles » :

explosion, rejet, isolement, ou dépression silencieuse.

Mais au lieu de s’effondrer physiquement, l’être blessé s’enferme dans une armure.

Il survit… en projetant ce qui le ronge sur les autres.

Un abcès qu’on ignore devient une urgence médicale.

Une blessure intérieure qu’on ignore devient… un système de défense.

Et ce système attaque : toi, les autres, le lien, la vérité.

Blessure physiqueBlessure psychique
Une coupure ou un abcès mal soigné peut s’infecter.Une blessure émotionnelle non reconnue ne disparaît pas.
Sans traitement, l’infection se propage.Elle se diffuse dans nos émotions, nos pensées, nos relations.
Le corps peut faire une septicémie.Le psychisme peut sombrer dans le rejet, la projection, l’épuisement ou la violence.
Le danger est visible, mesurable.Le danger est silencieux, invisible, parfois normalisé.

Ce qui n’est pas soigné devient toxique.

Et c’est l’entourage… ou soi-même… qui finit par en souffrir.

2          Pourquoi l’humain projette sur les autres des problèmes qui n’existent pas – et comment cela façonne le monde

Certaines douleurs sont si anciennes, si profondes, ou si silencieuses qu’on ne les reconnaît même plus comme des blessures.

On les a rangées dans une boîte, refermée très tôt, souvent dans l’enfance ou dans une période vulnérable.

Mais une blessure non reconnue ne disparaît pas. Elle se tapit.

Et un jour, elle cherche à s’exprimer – non seulement à travers les autres, mais aussi à travers nos propres mots.

Des mots que l’on pense.

Des mots que l’on prononce.

Et que l’on croit justes, parce qu’ils viennent de nous…

…mais ils viennent d’un « moi ancien », figé dans un passé douloureux.

Ils viennent d’un endroit en nous qui souffre encore.

Ce « moi ancien », ce moi figé, non guéri, confond la douleur du passé pour la transposer dans le présent, dans une scène actuelle.

Une pièce théâtrale car il y a confusion entre l’instant présent et le passé blessant.

Ce que nous croyons vivre maintenant n’est alors que l’écho d’un fantôme intérieur, projeté sur une personne, un objet ou un événement du présent, qui n’a, en réalité, rien à voir avec la cause initiale de notre souffrance.

Mais l’intensité est réelle.

Et pour la calmer, le mental justifie l’idée qu’il faut punir, corriger, réagir, comme si l’autre était responsable… alors qu’il n’est que l’écran de projection d’un passé resté vivant.

Ce mécanisme fonctionne comme un effet quantique inconscient du cerveau : passé et présent s’entrelacent, la mémoire devient réalité, et la blessure prend le pouvoir.

Ce « moi blessé » revit une scène ancienne où justice n’a jamais été rendue.

Et il agit aujourd’hui avec l’illusion inconsciente qu’il peut enfin corriger cette injustice.

Il cherche à rétablir un équilibre rompu, à se faire entendre après avoir été réduit au silence, à punir là où il n’a jamais pu protester, à réparer ce qui ne l’a jamais été.

Mais ce mouvement étant inconscient, il se trompe de cible. Il confond le présent avec le passé, et projette sur la personne qui se trouve devant lui l’image de celui ou celle qui, autrefois, l’a fait souffrir.

Cette personne en face devient malgré elle un bouc émissaire,

car elle incarne, aux yeux du blessé, le fantôme du passé.

Elle se retrouve prise dans une charge émotionnelle qu’elle ne comprend pas,

sans savoir pourquoi elle est visée.

Et cette personne, devenue cible involontaire, entre alors dans une spirale de questionnement, de confusion, puis d’épuisement.

Si elle n’en sort pas, cette spirale peut aller jusqu’à l’anéantissement psychique, relationnel… voire physique.

Ce que nous croyons vivre maintenant devient alors le théâtre d’une mémoire non digérée, où la vengeance se confond avec la réparation, et où l’autre est utilisé pour rejouer ce que le « moi ancien » n’a jamais pu dire.

L’inconscient, dans sa tentative de réparer l’injustice d’une blessure passée, fusionne passé et présent.

Il superpose la mémoire non digérée à la situation actuelle, et transfère sur la personne en face de soi l’ensemble des griefs, émotions et colères qu’il n’a jamais pu exprimer à ceux qui en furent réellement la cause.

Et c’est ainsi que l’on devient dangereux sans s’en rendre compte – non pas par méchanceté, mais parce que l’autre est devenu, malgré lui, le miroir d’un passé qui hurle encore.

Ce qui rend la projection si pernicieuse, c’est qu’elle se présente sous la forme d’une critique qui paraît légitime.

Le ton est posé. Les mots sont articulés. Et pourtant, quelque chose ne colle pas.

Alors on doute. On s’interroge : « Mais qu’est-ce que j’ai fait de mal ? »

Et ce doute ouvre la porte à la confusion.

Mais la vérité est ailleurs :

Ce n’est pas à toi qu’on parle.

C’est à un fantôme. Et tu te trouves juste au mauvais endroit, au mauvais moment.

C’est ainsi que l’on construit des récits de défense, des jugements, des accusations, des raisonnements cohérents en apparence, car on les sait vrais oui mais dans le passé, profondément déformés par une douleur ancienne non digérée.

C’est là que naît la projection.

Et cette blessure que l’on croit juste vient du passé et n’a plus aucun lien avec le présent.

Et voici comment on se retrouve dans cette bulle dramatique (voir article bulle dramatique)
Mais il existe un chemin pour sortir de ce cycle : la reconnaissance consciente de la blessure initiale. Cette reconnaissance ne répare pas tout, mais elle interrompt la boucle automatique.

3          Le mécanisme : déposer sa douleur sur l’extérieur

Quand l’esprit n’arrive pas à nommer ce qui le fait souffrir, quand le cœur ne trouve pas l’espace pour exprimer ce qui a été figé, alors le monde devient le support du chaos intérieur.

On commence à voir des intentions là où il n’y en a pas.

On suspecte. On accuse. On interprète des signes.

On réagit à des situations présentes comme si elles étaient des scènes du passé.

Et on croit que ce qui brûle en nous vient de l’autre.

4          Comment cela fonctionne en 4 étapes

1. Il y a une blessure du passé

Quelque chose d’injuste, de non digéré, d’humiliant, d’abandonnant, etc..

Mais cette blessure n’a pas été reconnue à temps, ni exprimée en sécurité.

2. L’inconscient veut réparer

Le système psychique cherche l’équilibre. Il veut que justice soit rendue.

Mais comme il ne peut pas retourner dans le passé, il projette le scénario non résolu sur une personne du présent.

3. La personne en face devient « symboliquement » son bourreau du passé, le fantôme qu’elle croit voir en celle qui est en face de lui, cela peut être n’importe qui mais cette personne va devenir « son souffre douleur ».

Elle a peut-être dit une phrase, fait un geste, montré une attitude qui « rime » inconsciemment avec la scène originelle.

À partir de là, le système enclenche un mode défensif :

« Je dois rétablir la justice. Je ne dois plus me laisser faire. »

4. Le cerveau requalifie la vengeance en justice

Et c’est là le tour de passe-passe du mental :

« Je ne me venge pas. Je me protège. »

« Je ne punis pas. Je rétablis l’équilibre. »

« Je ne suis pas violent. Je fais ce qui est juste. »

Même si la personne en face n’a rien fait.

Résultat : une vengeance vécue comme un acte juste

Ce court-circuit moral est profondément dangereux, car il permet à la personne de rester alignée avec ses valeurs, même en agissant avec violence.

Et tant que la vraie blessure n’est pas nommée, ce mécanisme peut se répéter à l’infini.

Ce mécanisme agit différemment selon que l’on est encore en lien avec son ressenti (EPS) ou coupé de lui (EPV). L’EPS ressent le malaise sans toujours comprendre. L’EPV agit, sans ressentir. (voir article Bulle)

5          Les étapes que le cerveau créées

Étape du mécanismeDescription
1. Blessure ancienne non reconnueUne douleur émotionnelle forte (injustice, rejet, abandon, humiliation…) n’a pas été exprimée, entendue ou accueillie au moment où elle s’est produite.
2. Besoin inconscient de réparationL’inconscient cherche à rétablir un équilibre : il garde une mémoire active de la blessure et cherche une voie pour ‘rendre justice’.
3. Confusion passé/présentLa blessure étant restée ouverte, le système psychique confond une situation actuelle avec celle du passé. Un geste, un mot, une posture fait ‘écho’ au trauma initial.
4. Transposition sur une personne du présentLa personne actuelle est inconsciemment assimilée à la figure du passé. L’émotion se cristallise sur elle, comme si elle en était la cause réelle.
5. Vengeance déguisée en acte justeL’esprit justifie l’acte défensif ou agressif en se disant qu’il agit par nécessité morale, pour réparer ou protéger. Ce n’est plus perçu comme de la vengeance.
6. Maintien d’une cohérence morale illusoireLe sujet continue de se croire ‘juste’ ou ‘légitime’, ce qui l’empêche de remettre en question ses réactions. La souffrance qu’il cause passe inaperçue pour lui.

6          L’irrationnel est une logique blessée

Ce que nous appelons souvent « l’irrationnel humain », c’est ce moment où la douleur non identifiée prend le dessus, et donne naissance à des comportements, des croyances, ou des violences qui semblent incompréhensibles.

Mais ils ne sont pas fous.

Ils sont l’expression brute d’un intérieur non entendu.

Ce n’est pas parce que le danger est réel qu’on se défend.

C’est parce que quelque chose en soi est encore en train de revivre un ancien danger.

7          Et c’est ainsi que les sociétés s’organisent

C’est ainsi que des peuples peuvent suivre des leaders extrêmes.

C’est ainsi que des systèmes oppressifs peuvent se présenter comme « justes ».

C’est ainsi que des faits divers dramatiques émergent, et que nul ne sait « pourquoi ».

Parce que ce n’est pas un problème rationnel.

C’est un problème émotionnel non traité, collectif.

8          Phrase disruptives de sortie de projection 

Situation ciblePhrase disruptive proposée
Quand quelqu’un te reproche quelque chose avec une charge émotionnelle disproportionnéeEst-ce que tu penses que ce que tu ressens là, maintenant, est entièrement lié à ce moment précis ? Ou est-ce que ça pourrait faire écho à quelque chose de plus ancien ?
Quand la personne semble bouleversée mais floue dans ses accusationsTu crois que ce que tu ressens vient d’ici… mais est-ce que ça pourrait venir d’un souvenir, d’un moment passé qui remonte là ?
Quand le discours de l’autre semble mélanger passé et présentEst-ce que tu serais en train de parler à quelqu’un d’autre, sans t’en rendre compte ?
Quand tu sens que l’autre te voit comme quelqu’un que tu n’es pasJ’ai l’impression que tu me vois comme quelqu’un d’autre… quelqu’un du passé. Est-ce que c’est possible ?
SituationPhrase-clef de lucidité
Quand quelqu’un projette une image fausse de toiEst-ce que tu penses que tu réagis à moi… ou à ce que je représente pour toi en ce moment ?
Est-ce que c’est vraiment à moi que tu parles…
ou à une image que tu t’es faite de moi ?
Quand tu sens que l’autre parle à travers une douleur ancienneEst-ce que ce que tu me dis vient de maintenant… ou est-ce que ça réveille quelque chose de plus ancien ?
Quand tu veux rester dans ta lucidité sans te justifierJe ne veux pas te contredire. Je veux juste savoir si tu parles à moi… ou à un souvenir qui revient.

9          Ce n’est pas une condamnation. C’est un appel.

Un appel à voir, à reconnaître, à traverser ce qui nous habite.

À ne plus charger l’autre de ce que nous refusons de ressentir.

Car la source du chaos n’est pas à l’extérieur.

Elle est en chacun à l’intrérieur.

Et tant qu’elle n’est pas reconnue,

elle se répètera, génération après génération.

Mais si elle est vue, si elle est nommée, alors un autre monde peut commencer à émerger.

Un monde moins réactif, moins accusateur, moins divisé.

Un monde où la blessure devient le lieu de la transformation, et non plus – le moteur de la projection -.


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