bulle dramatique

Table des matières

1       Introduction : pourquoi revisiter le triangle de Karpman ?

1.1        Relecture du modèle :

2       Le paradoxe de l’EPV.

2.1        Le mensonge structurel de l’EPV – une vérité reconstruite.

3       Le paradoxe de EPS.

4       Schéma de la dynamique du couple :

5       Bulle de EPV (persécuteur / bourreau) :

5.1        EPV Masque de victime écran auto-proclamée :

5.2        EPV Sauveur auto-proclamé :

5.3        Le masque de sauveur chez EPV – ou le sauvetage inversé

5.4        EPV Masque du juste :

6       Bulle de EPS (victime réelle non assumée) :

6.1        Cri de survie :

6.2        La sidération de l’EPS – la douleur figée dans l’incohérence :

6.3        Masque de neutralité :

6.4        Sauveur silencieux (EPS) :

7       La dynamique de communication entre les deux profils.

7.1        Le silence de l’écho : quand l’Autre ne résonne pas.

8       Le regard : fuite, contrôle ou connexion.

8.1        La fuite du regard chez l’EPV ?

8.2        Le regard chez l’EPS ?

8.3        En résumé :

9       Tableau récapitulatif des rôles et paradoxes.

9.1        Effet miroir complémentaire entre EPV et EPS :

10         Pourquoi se retrouve-t-on dans ce système ?

11         EPV – Le Verrouillage Dominant (Enfant Perdu Verrouillé)

11.1     Quand le passé infiltre le présent – la transposition inconsciente de l’EPV.

12         EPS – Le Verrouillage Sacrificiel (Enfant Perdu Sensible)

13         Impact sur les enfants – Transmission de la bulle dramatique.

13.1     Quand la bulle dramatique se prolonge chez l’enfant

14         Sortir de la bulle : une brèche dans la structure.

15         Savoir ce qui appartient à soi ou à l’autre : réactions d’alertes internes (EPS) face à la parole de l’autre (EPV)

15.1     Outil rapide de repérage émotionnel (Version pratique et simple)

16         Signaux de bascule dans la bulle dramatique.

17         Moyens concrets de sortie de la bulle dramatique.

18         Pourquoi « Bulle dramatique » ?

19         Conclusion – De la bulle intime à la folie du monde.

19.1     Changer de paradigme : guérir le monde commence en soi

V07-05/25

1          Introduction : pourquoi revisiter le triangle de Karpman ?

Le triangle dramatique de Karpman, bien qu’il ait été un outil précieux de compréhension des dynamiques relationnelles, montre aujourd’hui ses limites dans les situations les plus marquées par la violence psychologique, le déni, et l’enfermement émotionnel.

En effet, son principe de rotation des rôles (victime, persécuteur, sauveur) ne s’applique pas à toutes les configurations. Dans les vécus réels, notamment dans les couples figés dans une asymétrie profonde, les rôles ne tournent pas. Ils se figent. Ils s’enkystent. Ils se rejouent sans cesse, mais sans se redistribuer.

Ce modèle peut même introduire de la confusion : il laisse croire que chacun est tour à tour responsable, coupable, victime. Or cela ne correspond ni à la réalité vécue par les personnes piégées dans des relations toxiques, ni à l’observation fine que peuvent faire les professionnels : magistrats, thérapeutes, médiateurs, avocats ou juges.

Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est un outil qui nomme sans confusion, qui respecte la profondeur de l’emprise, et qui permet de comprendre pourquoi certains ne peuvent pas se libérer – non par choix, mais par enfermement psychique structurel (des suites de blessures enfouies non reconnues).

La bulle dramatique n’est pas une théorie. C’est un modèle incarné, né du croisement entre l’introspection vécue et l’observation de terrain. Il vise à donner des repères clairs, utiles, concrets à celles et ceux qui veulent comprendre – ou accompagner – l’enfer invisible des dynamiques verrouillées.

1.1           Relecture du modèle :

Le triangle dramatique de Karpman est un modèle bien connu des dynamiques relationnelles dysfonctionnelles, avec ses trois rôles : victime, sauveur, persécuteur. Mais dans certaines configurations relationnelles, notamment dans les couples marqués par des asymétries fortes, ce modèle tourne à vide. Les rôles ne se redistribuent plus : ils se figent. Ils se fixent dans des bulles fermées, dont chaque protagoniste ne peut sortir qu’en brisant l’ensemble du système.

C’est ce que j’appelle la bulle dramatique . Deux individus y coexistent : EPV et EPS, chacun piégé dans une structure de rôles figés à trois niveaux : principal, secondaire, tertiaire.

Ce document propose un modèle vivant et incarné, issu d’expériences réelles, pour comprendre les dynamiques relationnelles figées entre deux profils issus de blessures anciennes : l’EPV (Enfant perdu Verrouillé émotionnellement) et l’EPS (Enfant Perdu Sensible).

Rappel : (voir article Peur ou Amour ou Deni ou Automate) :

EPV : Enfant perdu verrouillé émotionnellement :

A vécu des blessures précoces, souvent refoulées.

Fonctionne selon un schéma rigide et normatif.

Ne ressent plus ou refoule ses émotions.

Contrôle, influence ou manipule sans en avoir conscience.

Valorise la conformité, fuit la remise en question.

Fort déni émotionnel, avec un ego ou un narcissisme parfois très développé.

Peut paraître calme, compétent ou fiable, mais profondément déconnecté du lien émotionnel.

EPS : Enfant perdu sensible :

A vécu des blessures précoces (rejet, abandon, humiliation, injustice…).

Ressent beaucoup, mais n’ose pas l’exprimer.

Cherche à s’adapter, se faire accepter.

Oscille entre doute, retrait, besoin d’amour.

Peut paraître discret, sensible ou instable, reste en quête de sécurité et de reconnaissance. L’enfant perdu cherche souvent à s’adapter aux autres, à comprendre, à se remettre en question et à évoluer.

Tableau de résumé

Deux types d’enfant perdu : verrouillé (EPV) ou sensible (EPS)

ProfilRapport aux émotionsApparence socialeVécu intérieur
EPVÉmotions refoulées, vécues comme dangereusesAutoritaire, distant, rigide (masque de force)Contrôle permanent, peur d’affronter sa vulnérabilité, ses blessures
EPSÉmotions vécues ouvertement malgré la peurSensible, souvent réservé, cherche validationBesoin de lien et reconnaissance, affronte ses peurs, a besoin d’être rassuré ou reconnu pour se sentir légitime

2          Le paradoxe de l’EPV

L’EPV agit comme un persécuteur mais se vit comme une victime. Il revendique une souffrance qu’il attribue à l’EPS, sans jamais reconnaître que cette douleur vient d’une blessure ancienne. Il se construit un récit auto-justificatif, qui lui permet à la fois de dominer et de se plaindre. Ce paradoxe le rend imperméable à la remise en question : il croit sincèrement être celui qui souffre, alors même qu’il produit la souffrance chez l’autre parent EPS.

Il s’agit du verrouillage dominant

EPV : Rôle principal : persécuteur / bourreau. Il utilise la parole pour dominer, inverse les faits, nie l’autre, invalide l’expérience de EPS.

Rôle secondaire : victime revendiquée, créée de toutes pièces, souvent psychosomatique ou issue d’une narration personnelle ancienne, d’une blessure ancienne provenant de son enfance non identifiée, niée, reniée et qui lui fait croire que EPS est la source de sa souffrance, de sa douleur et de sa peur de revivre cette douleur. C’est ainsi qu’il a besoin de pouvoir contrôler EPS et « justifie » ce rôle de persécuteur en « accusant » inconsciemment EPS d’être responsable de la douleur d’origine infantile de EPV.

Rôle tertiaire : sauveur auto-proclamé. Se voit comme porteur de vérité, donneur de leçons, bienfaiteur. Ce masque renforce son égo et annule toute remise en question.

EPV est souvent coupé de ses émotions (empathie faible ou inexistante), focalisé sur la forme, indifférent au fond. Il manie la parole comme une arme et ne ressent pas l’impact de sa violence.

Il est généralement très intelligent – parfois brillamment stratégique – et c’est précisément cette intelligence, froide et structurée, qui déroute profondément EPS. Car EPV utilise sa lucidité pour maintenir des dissonances, manipuler la réalité, construire des narrations logiques mais fausses, afin de garder la main sur le système. Pour EPS, cette logique devient incompréhensible : il s’enlise dans une boucle d’analyse qui ne mène à rien. Il croit qu’il manque quelque chose, alors qu’il ne peut simplement pas accéder à un système fondé sur la distorsion.

2.1           Le mensonge structurel de l’EPV – une vérité reconstruite

L’Enfant Perdu Verrouillé vit dans un mensonge permanent – mais il ne le perçoit pas comme tel.

Ce mensonge n’est pas une stratégie manipulatoire consciente.

C’est une réécriture de la réalité destinée à maintenir l’intégrité psychique d’un système interne fragile, souvent hérité d’une blessure non reconnue.

Il réinvente ce qui s’est dit, ce qui s’est fait.

Il attribue à l’autre des intentions qu’il a lui-même eues.

Il oublie ce qu’il a promis.

Il nie ce qu’il a infligé.

Mais dans son propre esprit, il dit la vérité.

Et c’est cela qui rend toute confrontation si douloureuse :

Il ne peut pas reconnaître le mensonge sans voir sa propre fracture.

Le reconnaître serait briser le récit qui le tient debout.

Alors il continue.

Pas par méchanceté.

Mais parce qu’il n’a pas encore trouvé une vérité capable de ne pas le détruire.

3          Le paradoxe de EPS

EPS est une victime réelle, mais refuse de se reconnaître comme telle. Par loyauté, par valeurs ou par peur de faiblesse, il masque sa souffrance derrière une apparente neutralité. Lorsqu’il agit comme un soutien, il le fait sans s’autoriser à reconnaître ce rôle de sauveur. Il peut même afficher une froideur émotionnelle, comme un rempart contre l’étiquette de dépendance ou de vulnérabilité. Ainsi, il agit sans s’avouer qu’il agit, et souffre sans accepter qu’il souffre. Pourtant, EPS est une personne profondément sensible, qui vit intensément ses émotions et possède une forte empathie. Mais pour éviter d’exposer sa douleur, il se protège par ce masque de distance, ce qui peut paradoxalement donner raison à EPV lorsqu’il l’accuse de manque d’empathie – une accusation totalement inversée mais souvent cruellement intégrée par EPS.

4          Schéma de la dynamique du couple :

Bulle Dramatique :

La bulle dramatique est un espace psychique et relationnel figé entre deux personnes, souvent en couple, où chacun joue un rôle inconscient – l’un dans le contrôle, l’autre dans l’effacement – sous l’effet de blessures anciennes non reconnues. Cette bulle se maintient par la projection (EPV), le déni (EPV) et le masquage émotionnel (EPV et EPS).

Explication du schéma :

5          Bulle de EPV (persécuteur / bourreau) : 

A vécu une blessure ancienne, niée, non identifiée, qu’il projette sur EPS en l’accusant inconsciemment d’en être la cause. Cela justifie, à ses yeux, son rôle de bourreau, sans qu’il n’en comprenne l’origine réelle. Il fonctionne sur une structure rigide, avec une empathie faible ou inexistante, un langage tourné vers la domination, une émotion figée, et une logique défensive issue de cette douleur ancienne projetée. Il s’auto proclame victime (et sauveur) par confusion avec le passé en identifiant cette blessure ancienne au présent et pour justifier ses critiques et reproches qui ne sont pas réels et sont nourris par cette blessure originelle non reconnue.

5.1           EPV Masque de victime écran auto-proclamée :

EPV se présente comme victime, non pour exprimer une douleur réelle du présent, mais pour justifier ses comportements dominateurs. Ce rôle est un masque qui sert d’écran entre lui et sa souffrance ancienne non reconnue, qu’il projette inconsciemment sur EPS.

En se croyant victime, il s’autorise à faire souffrir – tout en affirmant que c’est lui qui souffre.

Cette inversion de réalité légitime à ses yeux ses attaques, son rejet, son contrôle, car il se sent fondé à se défendre.

Mais cette posture dissocie totalement cause et effet :

  • il blesse l’autre, sans s’en rendre compte,
  • puis il utilise la souffrance de l’autre comme preuve que « quelque chose ne va pas » – chez l’autre.

Ainsi, le masque de victime devient une arme défensive qui annule toute responsabilité réelle et renforce le déni de sa propre agressivité.

5.2           EPV Sauveur auto-proclamé :

EPV se place en position de « sauveur » en affirmant agir pour le bien de l’autre, mais ce rôle est un masque égotique. Il ne s’agit pas d’aide réelle, mais d’une justification morale à ses critiques ou à sa domination. Ce rôle lui permet de renforcer sa supériorité et de nier sa violence, en se présentant comme « celui qui veut aider » – alors même qu’il détruit.

5.3           Le masque de sauveur chez EPV – ou le sauvetage inversé

EPV adopte parfois une posture de sauveur, mais ce n’est pas un geste d’altruisme authentique.

C’est un masque, une stratégie psychique – une manière de sauver l’autre… pour éviter d’affronter sa propre violence.

Il croit aider, corriger, protéger. Il pense :

« Je t’aide, donc je suis du bon côté. »

Mais derrière ce masque se cache :

Le besoin de nier son agressivité réelle, qu’il continue pourtant à exercer (mais sous d’autres formes : reproche, exigence, logique d’ascendant),

Le besoin d’imposer un cadre qui rassure son sentiment d’ordre intérieur,

Le besoin de maintenir une image valorisante de lui-même (celui qui « comprend », « porte », « aide »), pour échapper à la honte ou au doute.

Mais à un niveau plus profond encore, ce masque sert à contenir une violence intérieure refoulée.

C’est une manière de ne pas devenir le bourreau que lui-même a subi.

De maîtriser, à travers l’autre, ce qu’il n’a jamais pu maîtriser en lui-même.

Il projette sur EPS la figure symbolique de son bourreau initial – ou, parfois, de l’enfant blessé qu’il n’a pas pu sauver.

Il agit sur l’autre comme s’il voulait corriger le passé, empêcher qu’il ne se répète, sans avoir à y replonger.

Mais ce sauvetage est un piège :

Tant que EPV ne reconnaît pas sa propre blessure, tant qu’il n’assume pas son agressivité refoulée, il continuera de « sauver » – mais par la destruction de l’autre – pour ne pas ressentir ce qu’il porte en lui.

Et cela perpétue le cercle dramatique – malgré l’illusion de bienveillance.

5.4           EPV Masque du juste :

Ce que le masque du « Juste » permet de montrer :

L’EPV croit « corriger », « rétablir », ou même « protéger le système ».

Il projette la faute sur l’autre, tout en s’auto-exonérant.

Il dissimule le contrôle sous une posture d’équilibre.

Et surtout : il croit être du « bon côté du juste », ce qui verrouille totalement son empathie.

Le persécuteur n’a pas conscient de l’être : il agit sous couvert de justice.

Posture de légitimité morale – « je fais ce qui est juste »

6          Bulle de EPS (victime réelle non assumée) :

Présence sincère mais désarmée, EPS tente de préserver l’équilibre au prix de sa propre vérité. Il porte l’émotion à vif, tout en refusant de s’identifier comme victime.

Une blessure ancienne non résolue l’amène inconsciemment à adopter un double rôle de victime/sauveur, qu’il rejette pourtant avec force, car toute posture visible de vulnérabilité serait, à ses yeux, une faiblesse ou une trahison de ses valeurs.

Il agit avec loyauté, effacement, dans une aide silencieuse qu’il ne reconnaît jamais comme telle.

Par peur d’être perçu comme dépendant ou intrusif, il masque son empathie derrière une neutralité apparente. Ce retrait devient une protection : une carapace défensive qui l’empêche de reconnaître – même en lui-même – qu’il souffre, qu’il aide, qu’il espère

EPS : le figé vivant

Rôle principal : victime réelle, mais niée, non reconnue, qui refuse de se nommer comme telle.

Rôle secondaire : sauveur silencieux, qui tente de maintenir la paix, qui agit par valeurs, par intégrité, sans jamais chercher le pouvoir et refuse de se voir sauveur.

Conséquence de ces roles :

6.1           Cri de survie :

 éruption ponctuelle, souvent incomprise, qui surgit comme un réflexe d’étouffement. Il ne s’agit pas d’un rôle à proprement parler, mais d’un acte désespéré de reconquête intérieure. Il peut surprendre ou déséquilibrer EPV, mais ne le blesse pas : la blessure de EPV est interne, ancienne, projetée, et non causée par EPS.

EPS est en lien profond avec ses émotions, mais n’en maîtrise pas la forme. Il agit avec sincérité mais sans stratégie, ce qui le rend vulnérable face à la maîtrise froide de EPV qui est tactique.

Le cri de survie de l’EPS – quand la charge devient trop lourde

EPS vit dans une posture de soutien silencieux, mais son énergie vitale s’épuise peu à peu.

À force d’absorber les projections les attaques de EPV, de rester fort, de nier sa propre douleur, il accumule en lui une pression émotionnelle et psychique constante, sans soupape.

Cela crée un épuisement multiple :

-épuisement psychique : surcharge mentale due à la gestion émotionnelle de l’autre + inhibition de ses propres ressentis,

-épuisement émotionnel : refoulement constant de sa souffrance pour préserver l’équilibre,

-épuisement physique : le corps finit par somatiser la tension, faute d’expression verbale ou affective.

A un certain seuil, le système de compensation lâche.

Et un cri de survie peut émerger : explosion verbale, rupture, colère soudaine, effondrement, silence prolongé, ou fuite.

Ce n’est pas une faiblesse. C’est un acte de préservation vitale.

Paradoxalement, ce cri est parfois la seule manière pour EPS de sentir qu’il existe encore.

De mettre une limite à l’effacement.

Mais il est souvent mal perçu, même par lui-même, car il entre en conflit avec son image de solidité et de maîtrise.

Sans compter qu’il n’a aucun moyen de se ressourcer dans le couple ni par apport intime ni de soutien émotionnel puisque la situation est contraire à ce soutien elle est fondamentalement toxique.

6.2           La sidération de l’EPS – la douleur figée dans l’incohérence :

La sidération n’est pas un silence volontaire.

C’est un état de gel ou choc émotionnel et cognitif, une sorte d’arrêt intérieur, provoqué par la violence invisible de l’EPV.

Lorsque EPS est confronté à un enchaînement de :

-déni de son ressenti,

– critiques, reproches, accusations, jugements,

-inversion accusatoire (« c’est toi le problème »),

-gaslighting (remise en question de sa réalité ou de sa mémoire),

-accusations floues, blâme moral, contradictions successives,

-chaud froid,

-besoin d’avoir raison de EPV, confrontation la ou la discussion n’a aucun enjeu ni sujet à confrontation,

-aggressions physiques ou psychologiques,

-reprise de ses propres paroles ou arguments comme s’ils étaient exprimés la première fois par EPV et n’avait jamais été exprimés par EPS.

-ou même gentillesse soudaine après la violence (renversement émotionnel),

-… alors son esprit entre en surcharge.

Il ne comprend plus.

Il doute de lui-même.

Il perd l’accès à ses mots.

Il ressent, mais ne peut plus nommer.

Il voit l’injustice, mais ne peut plus l’expliquer.

C’est cela, la sidération :

Une douleur figée, sans issue immédiate.

Un état où le langage est suspendu, où le corps encaisse à la place de l’âme.

EPS peut sembler froid, absent, lointain.

Mais à l’intérieur, tout hurle.

Il n’a pas fui : il est resté… mais gelé, figé, choqué, dans un monde qui ne reconnaît pas sa réalité.

Et ce gel peut durer des heures, des jours, ou se répéter à chaque interaction toxique.

Il ne sait parfois même plus ce que signifie la réalité, la confusion est la plus profonde en lui.

6.3           Masque de neutralité :

Par peur d’être perçu comme dépendant ou intrusif, il masque son empathie derrière une neutralité apparente. Ce retrait devient une protection : une carapace défensive qui l’empêche de reconnaître – même en lui-même – qu’il souffre, qu’il aide, qu’il espère.

6.4           Sauveur silencieux (EPS) :

EPS agit dans l’ombre, par loyauté, intégrité, besoin de préserver le lien. Il évite les conflits, apaise, absorbe… mais sans jamais revendiquer cette position.

Il refuse même l’idée d’être un sauveur, car cela lui semblerait moralement déplacé ou égocentré.

Ce rôle, pourtant actif, est totalement renié dans sa conscience.

Il aide… sans vouloir qu’on le voie, ni même se l’avouer à lui-même.

7          La dynamique de communication entre les deux profils

EPV maîtrise le langage émotionnel sans y être connecté. Il parle de profondeur, de ressentis, de conscience… mais sans les incarner réellement. Ce vernis verbal sert à masquer l’absence d’empathie et à maintenir le contrôle.

EPS, lui, ressent beaucoup mais n’exprime pas. Il s’efface, se tait, se confond. Face au discours de EPV, il doute, car il ne ressent rien derrière les mots. Cette dissonance entre la forme exprimée et l’émotion absente crée chez EPS une profonde confusion intérieure et une perte de repères. Cette confusion le perturbe dans sa propre expression de parole, il n’est parfois plus en capacité de parler sans confusion.

EPV a appris à parler d’émotions au contact de EPS, par mimétisme. Il observe, intègre la forme, puis reproduit un discours émotionnel soigné parfait dans la forme sans le vivre, creux dans le fond.

Cette maîtrise de la forme masque son absence d’empathie réelle, tout en renforçant sa posture de contrôle.

EPS, lui, ressent mais ne verbalise pas. Il est souvent déstabilisé par cette dissociation entre les mots de EPV et son absence de ressenti, ce qui crée chez lui une confusion émotionnelle profonde.

7.1           Le silence de l’écho : quand l’Autre ne résonne pas

Dans les couples ou les relations marquées par la dynamique Enfant Perdu Sensible (EPS) / Enfant Perdu verrouillé (EPV), un des marqueurs les plus troublants est souvent le manque d’écho émotionnel. Non pas le silence en tant que tel, mais l’absence de résonance : cette impression déstabilisante que les mots, les gestes, les tentatives de lien émotionnel ne rencontrent aucune vibration en retour.

  • • Une parole qui glisse sans toucher

L’EPS parle, partage, interroge, tente de se relier. Mais face à lui, il n’y a pas de vrai retour. Pas de regard profond, pas d’émotion visible, pas d’engagement sincère. Seulement des réponses techniques, factuelles, évasives. Comme si l’autre était présent en surface, mais absent en profondeur.

C’est une sensation fine, mais intense : celle de parler dans un vide fonctionnel. Tout semble en place, mais rien ne vibre.

  • • Une incompréhension permanente

L’EPS ne comprend pas. Il s’interroge : « Pourquoi n’entend-il pas ce que je veux dire vraiment ? » ou « Pourquoi ne réagit-elle pas à ce que je ressens ? ». Il doute. Il s’auto-corrige. Il reformule. Il cherche où est la faute dans sa propre parole.

Ce questionnement récurrent et unilatéral est l’un des signes clefs que quelque chose ne va pas.

  • • Le décalage émotionnel

Il n’y a pas de synchronisation. Le rire de l’un ne génère rien chez l’autre. Une confidence profonde tombe sans réaction. Un appel à la tendresse gèle dans l’air. Et surtout : l’autre ne s’interroge pas. Il ne se demande pas pourquoi l’EPS est touché, triste, décalé. Il continue simplement son propre chemin, comme si rien ne s’était passé.

  • • L’auto-dévalorisation progressive

Face à ce vide d’écho, l’EPS doute de lui. Il pense qu’il est trop exigeant, trop sensible, trop intense. Il se tait de plus en plus. Il se coupe de lui-même. Et parfois, il en arrive à se dire que c’est sa façon d’aimer qui est dérangée. Alors qu’en réalité, c’est le miroir en face de lui qui ne renvoie rien.

Ce n’est pas lui qui est trop. C’est l’autre qui est verrouillé.

  • • Le repère-clé : le test de l’écho

Il est possible de détecter assez rapidement cette dynamique :

  • Lorsque l’on s’exprime sincèrement, est-ce que l’autre résonne ?
  • Est-ce qu’il se questionne, se laisse toucher, bouger, interagir en profondeur ?
  • Ou est-ce que tout reste figé, lisse, fonctionnel, pragmatique ?

Ce test de l’écho peut révéler, très tôt, si la relation est habitée par une conscience vivante… ou si elle repose sur un système d’adaptation verrouillé.

  • • L’écho d’ailleurs

Souvent, ce qui révèle pleinement la souffrance de cette absence d’écho, c’est la rencontre avec une tierce personne qui, elle, répond. Qui résonne. Qui comprend, même sans mots. Et là, l’EPS comprend que le problème ne venait pas de lui. Qu’il n’était pas « trop » ou « mal fichu »… mais simplement non entendu.

Et cet instant-là peut tout changer.

Un frisson d’espoir, une larme de libération, une première respiration.

Le silence de l’écho prend fin… quand enfin, quelqu’un répond vraiment.

8          Le regard : fuite, contrôle ou connexion

Dans toute relation, le regard révèle souvent bien plus que les mots.

Le regard est le miroir le plus direct de l’état intérieur. Il permet de sentir instantanément s’il y a présence, absence, émotion, dureté, ouverture… ou verrouillage.

Les neurosciences montrent que le contact oculaire active immédiatement des circuits émotionnels, d’empathie, de synchronisation (cf. neurones miroirs, Damasio, LeDoux…).

8.1           La fuite du regard chez l’EPV ?

la fuite du regard est souvent très présente chez l’Enfant Perdu Verrouillé (EPV), surtout lorsqu’on tente d’entrer en connexion authentique. Mais il faut nuancer :

  • Chez l’EPV, le regard direct, surtout dans une situation émotionnelle ou intime, est vécu comme une mise en danger. Soutenir un regard, c’est risquer de laisser passer une émotion, d’être vu dans sa vulnérabilité, ou de perdre le contrôle. Le cerveau, qui a appris à verrouiller les émotions, va donc souvent provoquer une « coupure » du regard, un évitement, voire une dureté froide (regard contrôlant) qui empêche tout échange réel.
  • Deux stratégies principales se retrouvent :
    • Le regard de contrôle : il fige l’autre, l’évalue, « scanne » mais ne connecte pas. Il impose une distance, ou tente de dominer pour ne pas être atteint.
    • La fuite du regard : il évite l’échange prolongé, regarde ailleurs ou « glisse » sur l’autre, surtout si la connexion devient trop profonde, authentique, ou menace le verrouillage émotionnel.

Le regard authentique est insoutenable pour un EPV dès qu’il menace de fissurer le verrou. Ce n’est pas de la mauvaise volonté, c’est un réflexe de protection du cerveau blessé. Quand l’émotion s’approche, le regard s’échappe.

8.2           Le regard chez l’EPS ?

À l’inverse, l’EPS (Enfant Perdu Sensible) recherche souvent le regard comme validation, reconnaissance, ou pour vérifier qu’il y a bien une connexion réelle. Mais il peut aussi, sous la pression ou le jugement, finir par fuir le regard si l’échange devient trop douloureux ou menaçant (surtout s’il se sent jugé ou invalidé).

Chez l’EPS, le regard est souvent une quête de lien, un appel à être reconnu, à sentir qu’il existe un vrai échange d’âme à âme.

Chez l’EPV, au contraire, le regard devient soit un lieu de fuite (incapacité à soutenir la présence de l’autre), soit un espace de contrôle (regard dur, distant ou évaluateur), car tout contact authentique menace le verrou émotionnel. 

8.3           En résumé :

  • EPS : recherche la connexion par le regard, parfois jusqu’à l’insistance ou la demande de validation.
  • EPV : évite ou contrôle le regard pour ne pas laisser passer l’émotion ou risquer d’être vu dans sa vulnérabilité.

Apprendre à voir ce qui se joue dans un simple échange de regards, c’est déjà commencer à sortir du piège invisible.

9          Tableau récapitulatif des rôles et paradoxes

ÉlémentEPV (Persécuteur)EPS (Victime réelle)
Rôle principalPersécuteurVictime réelle non assumée, niée mais vécue
Rôle secondaireMasque de victime écran auto-proclaméeSauveur silencieux, il est dans ce rôle l’assume le vit mais le nie
Rôle tertiaireSauveur auto-proclaméCri de survie (non structurel, réflexe émotionnel)
Lien aux émotionsCoupé, faible ou absence d’empathie, remise en question impossible, le tort vient toujours de l’autre, focalisé sur la formeFortement empathique, hypersensible, instable émotionnellement, masque sa souffrance, tendance à croire l’autre même contre lui-même, focalisé sur le fond
ParadoxeSe croit victime tout en dominant et *faisant souffrirRefuse le statut de victime tout en le vivant et en souffrant
Stratégie défensiveDissonance contrôlée, projection, manipulationEffacement, loyauté, sacrifice silencieux
Masque dominantRécit logique de fausse victimisation, maîtrise du langage émotionnel comme couvertureApparente froideur émotionnelle, retrait protecteur, confusion devant l’expression non incarnée de EPV
Posture relationnelleDomination justifiée par récit de victimisationSoutien passif, dissimulation de la détresse
Évolution possibleReconnexion à la blessure d’enfance, sortie du contrôle et du déniReconnaissance de sa valeur, rupture du déni silencieux

9.1           Effet miroir complémentaire entre EPV et EPS :

DimensionEPV (Enfant perdu Verrouillé)EPS (Enfant Perdu Sensible)
Monde dominantTourné vers l’extérieur, contrôle, apparence, efficacitéTourné vers l’intérieur, réflexion, ressenti, profondeur
Vie intérieureVide, inhabité, verrouillé émotionnellementIntense, chargé, en recherche constante de sens
Projection émotionnelleProjette ses conflits internes vers l’extérieur, accuse, attaqueAbsorbe les conflits extérieurs, culpabilise, se sent responsable
Rapport au fond et à la formeValorise la forme, le discours, le contrôle visuelPrivilégie le fond, néglige la forme, se méfie des apparences
Rapport à l’introspectionL’évite, l’inquiète, la fuitL’habite, la surinvestit, parfois jusqu’à s’y perdre
Confiance et douteSurconfiance ou certitudes, remise en question difficileDoute chronique, auto-interrogation permanente
Stabilité émotionnelleApparente stabilité, rigidité, peu d’accès aux émotionsInstabilité émotionnelle, sensibilité forte, fluctuations fréquentes
VulnérabilitéPerçue comme une faiblesse à cacherPerçue comme précieuse même si douloureuse
EmpathieFaible, limitée à ce qui est visible ou norméForte, intuitive, débordante, parfois invasive
Expérience émotionnellePartielle, mimée, superficielleProfonde, incarnée, parfois submergeante
Expression de la colèreExtériorisée, bruyante, agressiveIntériorisée, transformée en tristesse, culpabilité
Perception des nuancesRéduction du réel : noir ou blanc, rejet de l’ambiguAcceptation du flou, besoin de comprendre la complexité
Expression verbaleAffirmations, certitudes, ton d’autoritéLangage nuancé, hésitant, précautionneux
Perception non-verbaleImperméable aux signaux subtils (ton, micro-expressions)Très sensible aux signaux non-verbaux, ton, énergie, micro-détails
Besoin de contrôleSur l’autre et sur l’extérieur pour éviter son vide intérieurSur soi, pour contenir ses émotions, quitte à s’effacer
SolitudeRedoutée, intolérable (synonyme de vide, de chute)Nécessaire, précieuse, source de régénération
Repères émotionnelsExternes, codifiés, rigidesInternes, instables, en recherche constante
Transformation des angoissesRefoulées, converties en colère ou en rationalisationConscientes, exprimées en tristesse ou auto-culpabilité
Responsabilité émotionnelleRejetée, projetée, niéeEndossée, internalisée, souvent en excès
Perception de l’autreMenace potentielle à contrôlerÊtre à rassurer ou à préserver, quitte à se sacrifier
Expression de ses besoinsExprime clairement ce qu’il veut, sans se soucier de l’impact émotionnelPeine à exprimer ce qu’il veut par peur de blesser, d’être rejeté ou d’alourdir
Fonctionnement relationnelFige l’autre dans des rôles rigides (coupable, victime)Se fige lui-même dans ces rôles, s’auto-désigne comme responsable
Rapport à la sensibilitéDévalorise la sensibilité, l’associe à danger ou faiblesseLa survalorise parfois, au point de se laisser blesser facilement
Rapport à la véritéCherche à imposer sa version, bloque la contradictionCherche à comprendre l’autre, au risque d’oublier sa propre vérité
Vision du lienLe lien sert à se rassurer, à se protéger, ou à s’imposerLe lien est lieu d’écoute, d’amour, parfois d’effacement

Ce tableau unifié constitue un outil pédagogique puissant pour visualiser clairement les dynamiques relationnelles EPV/EPS, les enjeux émotionnels, ainsi que les leviers de prise de conscience et de transformation.

En résumé :

EssenceEPVEPS
FonctionnementExtériorisé, défensif, figéIntériorisé, absorbant, flou
Mode de survieContrôle, attaque, rigiditéAdaptation, retrait, doute
Blessure centralePeur du vide, peur d’être faiblePeur de ne pas être aimé pour ce qu’il est
Piège relationnelDomination et projectionAuto-effacement et culpabilité

En résumé :

-L’adulte Enfant Verrouillé ou EPV est tourné vers l’extérieur, redoute le vide intérieur, projette vers l’extérieur.

-L’adulte Enfent perdu ou EPS est tourné vers l’intérieur, absorbe tout vers l’intérieur, se perd en lui-même.

Leur rencontre, par essence, est une complémentarité toxique, mais aussi une opportunité d’évolution majeure si la prise de conscience se fait des deux côtés.

Une dynamique figée, asymétrique

Contrairement au triangle classique où les rôles tournent, ici les rôles s’ancrent. EPV est figé dans sa structure de domination. EPS est figé dans sa tentative de survivre sans rompre. Ce sont deux pièces de puzzle qui se verrouillent l’une l’autre.

La bulle est auto-renforçante. Elle n’éclate que si l’un des deux protagonistes rompt la structure de l’intérieur, souvent au prix d’une grande souffrance ou d’une rupture radicale.

Dans la majorité des cas, le déni profond de EPV, qui ne peut reconnaître que sa douleur est d’origine ancienne et non causée par EPS, rend improbable qu’il veuille briser la bulle. Même si les deux sont en mal-être profond, EPS est généralement celui ou celle qui cherchera un chemin de sortie, par épuisement ou sursaut de survie.

10     Pourquoi se retrouve-t-on dans ce système ?

Parce que l’un et l’autre des acteurs, EPV et EPS, n’ont pas identifié des blessures anciennes, souvent liées à l’amour conditionnel. Aucun des deux n’a pris conscience que ces blessures figent des rôles prédéfinis, qui rejouent ensuite, dans le présent, cette même pièce de théâtre : celle de la bulle dramatique.

11     EPV – Le Verrouillage Dominant (Enfant Perdu Verrouillé)

EPV agit comme un persécuteur, mais se vit sincèrement comme une victime. Il revendique une souffrance qu’il attribue à EPS, sans jamais reconnaître que cette douleur provient d’une blessure ancienne non digérée, souvent enfouie dans l’enfance ou dans une relation antérieure.

Il se construit un récit auto-justificatif, où sa domination est maquillée en réponse légitime à une injustice. Ce récit lui permet à la fois de dominer (par le verbe, le contrôle, la disqualification) et de se plaindre (en invoquant une souffrance qu’il projette sur le présent).

C’est ce paradoxe psychique qui rend EPV imperméable à toute remise en question : il croit sincèrement être celui qui souffre, alors même qu’il produit activement la souffrance chez l’autre.

Son verrouillage émotionnel est fondé sur une idée inconsciente de justice intérieure :

« Je ne fais que rendre à l’autre ce qu’on m’a fait. »

Ainsi, il justifie inconsciemment son comportement par la croyance qu’il est juste et nécessaire de punir l’autre – non pas pour ce que l’autre a fait, mais pour ce qu’il représente :

Une image projetée du bourreau du passé.

EPS devient le réceptacle involontaire d’une vengeance posthume.

Et ce mécanisme est d’autant plus tragique que EPS, en posture d’Enfant Perdu Sensible, « accepte » inconsciemment ce rôle, ne comprenant pas pourquoi il mérite d’être puni, mais prenant sur lui cette violence comme une épreuve rédemptrice pour « sauver » l’autre.

Or, cette rédemption est impossible, car :

le vrai bourreau du bourreau n’est pas celui qu’il croit.

EPV cherche à se faire justice.

Il croit devoir punir, non seulement celui ou celle qui se trouve à ses côtés, mais parfois le monde entier, pour l’injustice ancienne qu’il a subie.

Cette punition prend mille formes : reproche, inversion, mépris, distance, confusion.

Elle vise à faire payer une souffrance non reconnue, jamais digérée.

Mais ce processus n’a pas de fin.

Car la cible réelle de sa douleur n’est pas présente.

Même si l’autre s’excuse, plie, cède, ou même disparaît… la douleur ne se calme pas.

Le cerveau de EPV a verrouillé l’accès à l’empathie, à la mémoire émotionnelle originelle.

Il n’éprouve pas le soulagement, même quand il croit avoir « repris le pouvoir ».

Il reste dans une incomplétude amère, un vide latent, une insatisfaction sans nom.

Il croit agir pour réparer… mais il entretient le cercle dramatique, car il ne sait pas que ce qu’il cherche est perdu dans un passé figé, inaccessible à travers l’autre.

11.1      Quand le passé infiltre le présent – la transposition inconsciente de l’EPV

L’EPV vit avec une blessure ancienne non reconnue.

La douleur du passé infiltre le présent, et l’EPV transpose sur l’autre et punit l’autre comme si l’autre était lui-même le bourreau d’hier – sans jamais avoir conscience de cette transposition.

L’autre devient « le bourreau », mais il ne l’est pas.

l’EPV devient « le justicier », mais il n’a pas conscience que sa cible est innocente.

Il n’en a pas conscience, car il n’a jamais formulée sa blessure du passé, ni traversée.

Elle est enfouie, verrouillée.

Mais elle reste active, en arrière-plan.

Alors, quand une situation présente fait vibrer cette douleur, même légèrement, l’EPV réagit comme si la scène d’hier était en train de se reproduire aujourd’hui.

Mais il ne le sait pas.

La douleur du passé infiltre le présent, et l’EPV transpose sur l’autre et punit l’autre comme si l’autre était lui-même le bourreau d’hier – sans jamais avoir conscience de cette transposition.

Pour lui, ce qu’il fait est juste. Il croit défendre son intégrité, son droit, sa mémoire.

Mais en réalité, il projette sur l’autre un fantôme du passé, et agit sur cette illusion comme si elle était réelle.

Cette confusion temporelle – ce court-circuit émotionnel – est le fondement même de la bulle dramatique.

Et tant que la blessure d’origine n’est pas reconnue, le présent reste colonisé par un passé non digéré.

Les deux verrous de l’Enfant Perdu Verrouillé

L’Enfant Perdu Verrouillé est prisonnier de deux mécanismes superposés, souvent invisibles mais redoutablement efficaces :

1. Le verrou de l’anticipation traumatique
Il projette dans le futur une peur issue d’une blessure passée.
Il s’agit d’un réflexe de protection : l’émotion est bloquée, car elle pourrait raviver la douleur d’un événement qu’il n’a jamais digéré.
Il vit donc dans une hypervigilance permanente, fuyant ou contrôlant toute situation qui pourrait réveiller ce souvenir, même de façon symbolique.

2. Le verrou de la confusion temporelle
Il confond la personne d’aujourd’hui avec celle d’hier.
Inconsciemment, il projette le fantôme du passé (le parent, le bourreau, l’abandon, la trahison…) sur son partenaire actuel.
Alors, il pense se défendre… mais en réalité, il punit le mauvais coupable.
Il s’enferme dans un récit : “tu me fais souffrir”, alors que la souffrance vient d’une autre époque, d’un autre lien, d’un autre visage.

Résultat :

Ce double verrou crée une répétition figée, une injustice dans le lien, et une incapacité à aimer librement, car l’autre devient le support d’un passé non digéré.

12     EPS – Le Verrouillage Sacrificiel (Enfant Perdu Sensible)

EPS est une victime réelle, mais refuse de se reconnaître comme telle. Par loyauté, par valeurs, par « égo » de puissance morale de résistance à la blessure la douleur la souffrance, il masque sa souffrance derrière une apparente neutralité. Lorsqu’il agit comme un soutien, il le fait sans s’autoriser à nommer ce rôle – ni celui de victime, ni celui de sauveur.

Il peut même afficher une froideur émotionnelle ou un détachement apparent, comme un rempart contre l’étiquette de dépendance ou de vulnérabilité.

Il agit sans s’avouer qu’il agit, et il souffre sans s’autoriser à reconnaître qu’il souffre.

Pourtant, EPS est profondément sensible. Il vit intensément ce qu’il ressent, et possède une empathie forte, lucide, mais contenue. Pour se protéger, il adopte un masque de distance ou de maîtrise, ce qui peut paradoxalement valider aux yeux de EPV l’accusation de « manque d’empathie ».

C’est une inversion cruelle, souvent intégrée silencieusement par EPS.

Mais au-delà de cette posture visible, EPS rejoue lui aussi une blessure ancienne.

Il a déjà vécu la douleur, et a pris sur lui, parfois très tôt, la charge de porter la souffrance d’un autre : un parent, un proche, un ancien EPV.

Dans cette ancienne scène de vie, il s’est inconsciemment attribué le rôle de « consolateur du bourreau », croyant que s’il tenait bon, s’il restait stable, il éviterait au bourreau de basculer plus loin.

Ainsi, dans la bulle dramatique, EPS retrouve un décor connu. Il rejoue une configuration émotionnelle ancienne, non pas parce qu’il y est contraint, mais parce qu’il croit savoir la supporter.

Il estime la situation supportable, ou gérable, même au-delà du raisonnable, car il l’a déjà vécue.

Et parfois, il va jusqu’à se convaincre qu’il est plus à même que d’autres de porter cette douleur, afin que quelqu’un d’autre n’ait pas à la subir.

C’est une rédemption inversée :

« Je prends sur moi ce que j’ai déjà connu, parce que moi je saurai le gérer. »

Mais ce sacrifice est sans fin. Car EPV n’est pas le bourreau d’origine, et EPS n’est plus l’enfant qu’il a été.
Et tant que ce scénario reste inconscient, la souffrance de EPS devient le carburant silencieux de la boucle dramatique.

Mais au-delà de cette posture visible, EPS rejoue lui aussi une blessure ancienne.
Il a déjà connu la douleur, et très tôt, il s’est attribué la mission de la porter pour d’autres.

Ce n’est pas par peur d’être perçu comme faible. Au contraire.
C’est parce que son ego s’est construit autour d’une idée de puissance intérieure absolue.

Il ne se dit pas « je dois me taire ». Il se dit :

« Je suis fort. Je peux le supporter. J’ai déjà survécu à ça. »

« Personne d’autre ne tiendrait comme moi. »

« Si je tiens, peut-être que je peux même sauver l’autre. »

Cette croyance d’être capable de traverser la douleur indéfiniment, presque comme une vocation silencieuse, pousse EPS à accepter une souffrance chronique, qu’il ne justifie pas par masochisme mais par puissance morale.

Il s’identifie à sa capacité de résistance, comme un héros qui porte le fardeau pour éviter qu’un autre ne tombe.
Et parfois même, il se dit :

« Il vaut mieux que ce soit moi qui souffre que quelqu’un d’autre. »

Ce sacrifice, cependant, devient un piège identitaire :

il bloque la reconnaissance de la violence subie,

il neutralise l’élan de se protéger,

et il alimente le schéma dramatique, où sa force devient le motif de sa propre destruction lente.

Dans cette ancienne scène de vie, EPS s’est inconsciemment attribué le rôle de « consolateur du bourreau », croyant que s’il tenait bon, s’il restait stable, il éviterait au bourreau de basculer plus loin.

Il a déjà souffert. Profondément.

Et c’est cette traversée, cette douleur intime qu’il a affrontée, qui le rend aujourd’hui « apte » à supporter l’insupportable.

Là où EPV projette une souffrance qu’il n’a pas pu affronter, EPS, lui, a déjà traversé l’effondrement.

Il sait inconsciemment ce que c’est que de tomber, de survivre, de se reconstruire.

Et c’est cette mémoire intérieure de résistance qui devient la clé de sa posture :

« Je sais ce que c’est. Je l’ai déjà fait. Je peux encore le faire. »

Ce qu’il ne voit pas, c’est que cette force, magnifique en apparence, lui sert aussi à justifier qu’il continue de souffrir à la place d’un autre.

Il se sacrifie non pas parce qu’il est faible, mais parce qu’il se croit le seul capable de survivre à une douleur aussi profonde.

Et c’est cela, la différence invisible mais fondamentale entre EPV et EPS :

EPV fuit une douleur qu’il n’a jamais réellement traversée.

EPS endosse une douleur qu’il connaît trop bien.

Cette force, si souvent admirée chez EPS, devient aussi son piège.

Elle sert à justifier qu’il continue de souffrir à la place d’un autre, comme s’il était le seul capable de porter ce poids sans s’effondrer.

Et c’est bien souvent ce qu’il fait :

Il devient la béquille émotionnelle de EPV.

Il le stabilise. Il le tient debout, sans que EPV en ait conscience.

Il évite à l’EPV l’effondrement, la traversée de la douleur, l’explosion intérieure.

Parce que EPS a déjà connu cette chute, parce qu’il en est revenu vivant, il pense pouvoir tenir les deux. Lui, et l’autre.

Mais ce rôle de soutien absolu le maintien prisonnier du schéma.

Et tant que EPV ne s’effondre pas, EPS ne peut pas se relever pleinement.

13     Impact sur les enfants – Transmission de la bulle dramatique

Lorsque la bulle dramatique se cristallise dans un couple (entre un EPV et un EPS), elle ne reste jamais confinée à cette seule relation.

Les enfants, pris dans cette atmosphère émotionnelle figée, absorbent les rôles et les tensions sans pouvoir les nommer.

Par réflexe de survie ou d’adaptation, l’enfant :

-s’aligne le plus souvent vers la figure EPV, perçue comme plus stable, moins vulnérable et moins souffrante.

-tente d’éviter la souffrance du parent EPS (perçu comme faible ou éteint), quitte à rejeter ou ignorer sa sensibilité.

Il s’agit d’un équivalent du syndrome de Stockholm.

Ainsi, en l’absence de conscience ou de verbalisation, environ 80 % des enfants reproduiront inconsciemment les postures de l’EPV :

-rigidité émotionnelle, besoin de contrôle, disqualification des émotions, tendance à projeter ou à inverser la réalité.

Mais certains enfants peuvent aussi hériter de la posture EPS, notamment lorsqu’ils perçoivent une forme d’injustice ou d’effondrement chez ce parent.

Ils deviennent alors porteurs silencieux de la blessure familiale non reconnue.

Sans conscientisation, ces dynamiques se rejouent dans leur vie adulte, dans leurs couples, leurs engagements ou leurs comportements d’autorité.

C’est pourquoi sortir de la bulle dramatique, même partiellement, est un acte de transmission réparatrice pour les générations suivantes.

Schéma trans générationnel :

Impact sur les enfants – Transmission de la bulle dramatique

Lorsque la bulle dramatique se cristallise dans un couple (entre un EPV et un EPS), elle ne reste jamais confinée à cette seule relation.

Les enfants, pris dans cette atmosphère émotionnelle figée, absorbent les rôles et les tensions sans pouvoir les nommer.

Par réflexe de survie ou d’adaptation, l’enfant :

s’aligne le plus souvent vers la figure EPV, perçue comme plus stable, plus puissante ou moins vulnérable.

tente d’éviter la souffrance du parent EPS (perçu comme faible ou éteint), quitte à rejeter ou ignorer sa sensibilité.

Il s’agit d’un équivalent du syndrome de Stockholm

Ainsi, en l’absence de conscience ou de verbalisation, environ 80 % des enfants reproduiront inconsciemment les postures de l’EPV :

rigidité émotionnelle, besoin de contrôle, disqualification des émotions, tendance à projeter ou à inverser la réalité.

Mais certains enfants peuvent aussi hériter de la posture EPS, notamment lorsqu’ils perçoivent une forme d’injustice ou d’effondrement chez ce parent.

Ils deviennent alors porteurs silencieux de la blessure familiale non reconnue.

Sans conscientisation, ces dynamiques se rejouent dans leur vie adulte, dans leurs couples, leurs engagements ou leurs comportements d’autorité.

C’est pourquoi sortir de la bulle dramatique, même partiellement, est un acte de transmission réparatrice pour les générations suivantes.

Les sources / le pourquoi de ce constat

Comportement du parentCause de la perceptionEffet sur l’enfant
Masque du ‘juste’ (EPV)L’EPV affirme être le porteur de la morale et du bien, de façon non questionnableLe rassure, car renvoie une image de stabilité morale
Masque de la victime revendiquée (EPV)L’enfant ne perçoit pas les manipulations émotionnelles déguisées en souffranceIl n’identifie pas la manipulation, perçoit une posture d’innocence crédible
Masque du sauveur (EPV)L’EPV se montre actif ou aidant sur certains aspects visibles, mais il se décharge sur le parent EPS qui porte toute la charge mentale. Il peut alors se dire ‘présent’ tout en l’écrasant.Renforce l’image de bienveillance et d’autorité bienveillante
Comportement directif et démonstratif (EPV)L’attitude affirmée semble rassurante et ordonnéeRassure par la force apparente et l’assurance
Parole structurée, affirmée et inversive (EPV)L’EPV reprend le discours du parent EPS en l’inversant avec maîtriseConvainc l’enfant par la forme, en donnant l’illusion que l’EPV a raison
Absence de doute (EPV)L’EPV évite toute remise en question, donnant une impression de cohérenceCrée une impression de sécurité et de cohérence
Maîtrise de la forme (EPV)L’EPV excelle à exprimer des discours structurés et émotionnellement convaincantsRenforce la légitimité apparente par la clarté verbale
Apparent contrôle émotionnel et structurel (EPV)L’EPV paraît toujours stable car il s’appuie en réalité sur le parent EPSSuggère qu’il est le parent fiable, car jamais en déstabilisation
Accusation permanente et constante (EPV)L’EPS reste figé sous l’effet du flot d’accusations et du gaslightingFait apparaître le parent EPS comme fautif, car incapable de répondre
Masque de neutralité (EPS)Le parent EPS, attaqué en continu, entre dans une confusion émotionnelle, une remise en question permanente. Son retrait, dû à la sidération et au doute, est interprété comme de l’indifférence.Peut être perçu comme de la froideur ou de l’indifférence
Absence de limites posées à l’EPV (EPS)L’EPS ne pose pas de cadre clair car il évite les conflitsFait penser à une faiblesse ou une complicité passive
Doute de soi constant (EPS)Le parent EPS est affaibli psychiquement et émotionnellementGénère une image d’instabilité ou d’insécurité
Expression d’amour par les actes mais non par la parole (EPS)L’enfant associe l’amour à une parole valorisante, non à une présence silencieuseRend invisible l’amour aux yeux de l’enfant (qui attend des paroles rassurantes)
Épuisement psychique visible (EPS)L’EPS est vidé par la charge émotionnelle et la confusion entretenue par l’EPVInquiète l’enfant, qui perçoit la détresse réelle
Souffrance perceptible (EPS)L’enfant fuit la douleur de ce qu’il perçoit comme une souffrance irrémédiableFait peur inconsciemment à l’enfant, il veut éviter cette souffrance
Confusion émotionnelle (EPS)Le parent EPS subit une confusion mentale due au gaslighting, accusations, et absence de repèresRenforce l’idée d’un parent confus, peu fiable
Sensibilité et sincérité (EPS)La sensibilité du parent EPS est perçue comme instabilité émotionnelleL’enfant rejette cette instabilité qu’il ne comprend pas
Non-imposition de son discours, silence (EPS)L’EPS ne contre-attaque pas : l’enfant croit au récit imposé par l’EPVConfirme le discours du parent EPV : le parent EPS est en tort

13.1      Quand la bulle dramatique se prolonge chez l’enfant

L’enfant devient EPV… pour survivre à la structure parentale.

Quand un enfant grandit dans une bulle dramatique entre un parent EPV et un parent EPS, il n’est pas simplement spectateur : il absorbe la dynamique, et parfois, il la reproduit.

Le parent EPV devient le référent dominant : cadré, directif, parfois manipulateur, mais « sûr de lui » et démonstratif.

Le parent EPS, lui, est sensible, sincère, mais souvent silencieux. Il parle peu, s’attache au fond là où le parent EPV s’attache à la forme.

Et parce qu’il n’impose pas son discours, il devient la cible idéale pour être désigné fautif – donc perçu comme celui « en tort ». Rejetable.

Ce rejet n’est pas conscient. C’est une loyauté de survie.

L’enfant choisit la figure la plus démonstrative, pas celle qui est la plus sincère.

Il se tourne vers celui ou celle dont la voix porte plus, qui écrase l’autre, qui s’impose.

Il croit que le parent silencieux a “tort” — parce qu’il le voit se taire face aux accusations, aux jugements, aux reproches répétés du parent EPV.

Mais ce qu’il ne voit pas, c’est que ce silence vient d’un état de sidération, d’incompréhension profonde, d’une douleur muette.

Le parent EPS ne comprend pas lui-même la violence de l’acharnement qu’il subit, et reste figé.

Et l’enfant, n’ayant pas les clés, interprète ce silence comme une faiblesse ou une faute.

Même si cette figure est toxique, il ne le voit pas.

Il rejette alors l’autre parent pour protéger son appartenance…

et aussi pour prouver sa loyauté envers celui qui lui demande implicitement de choisir un camp, du fait de l’amour sous conditions qu’il formule à l’enfant.

Le parent EPS, qui donne un amour constant mais discret, n’a pas besoin d’être conquis.

Le parent EPV, lui, propose un amour conditionnel, mais addictif :

« Prouve-moi que tu es avec moi. »

Et comme il reprend les mots du parent EPS mais les exprime mieux, avec aplomb,

l’enfant pense qu’il est dans le vrai – alors qu’il ne fait qu’imiter la forme et en détourner le fond.

Le paraître l’emporte sur l’être.

Et le parent EPS reste, encore une fois, celui qu’on entend le moins, mais qui porte le plus.

Résultat :

L’enfant reproduit le comportement EPV, et traite le parent EPS comme le « coupable désigné », dans un jeu qu’il n’a pas choisi mais dont il a hérité.

Que peut faire le parent EPS ?

Il ne peut pas convaincre. Mais il peut incarner une autre manière d’être :

• Ne pas critiquer le parent EPV

• Ne pas se justifier

• Poser des questions douces mais percutantes :

  « Est-ce que c’est ce que tu ressens toi… ou ce que tu as appris à penser ? »
• S’adresser à l’enfant profond :

  « Je te vois, même si tu ne veux plus me voir. »

Disruption douce : semer un doute, ouvrir un espace

Le parent EPS n’est pas là pour avoir raison. Il est là pour offrir une alternative vivante un amour entier un amour plein – un amour inconditionnel. Et cela, même silencieusement, peut tout changer… un jour.

Que peut faire le parent EPS pour réintroduire le lien

Mécanisme observéExplicationPiste de disruption douce
Loyauté inconsciente envers le parent EPVL’enfant intègre la posture de celui qui semble détenir l’autorité émotionnelle, même si toxique.Ne pas critiquer le parent EPV : incarner une présence alternative, stable, douce, non défensive.
Inversion des rôles et rejet du parent EPSLe parent EPS devient le bouc émissaire familial dans la narration du parent EPV.Poser des questions ouvertes : ‘Est-ce que c’est ce que tu as observé toi, ou ce qu’on t’a dit ?’
Assimilation du modèle dominant comme seul modèle valableL’enfant confond force avec vérité et rejette la posture sensible, jugée comme faible.Ne pas chercher à convaincre mais à semer : ‘Tu pourras un jour regarder ça avec tes propres yeux…’
Ancrage identitaire basé sur la séparationPour s’affirmer, l’enfant adopte une posture opposée à celle du parent rejeté dans le système familial.Utiliser le doute sans violence : ‘Est-ce que tu penses comme ça toi, ou est-ce une idée qu’on t’a donnée ?’
Réaction émotionnelle automatique contre la vulnérabilitéLa sensibilité du parent EPS réveille chez l’enfant une part qu’il a appris à nier pour survivre.S’adresser à l’enfant profond : ‘Je crois que tu ressens plus que ce que tu montres. Je te fais confiance.’

14     Sortir de la bulle : une brèche dans la structure

La sortie de la bulle dramatique ne peut venir que de l’intérieur. Elle commence par la prise de conscience du rôle que l’on incarne, non pas pour le condamner, mais pour le regarder avec lucidité.

Pour l’EPV, cela nécessite une confrontation à sa propre blessure d’enfance, une acceptation qu’il n’est pas victime de l’autre mais porteur d’une douleur qu’il projette. Cela implique un désarmement de l’égo et une volonté de ressentir ce qui a été nié.

Pour l’EPS, cela passe par la reconnaissance de sa propre valeur, la fin du sacrifice silencieux et la capacité à nommer ce qu’il vit, même maladroitement. Il doit sortir de la confusion entre fidélité et soumission.

La clé commune à tous : le rétablissement de l’écoute de soi.

Le retour au ressenti réel, à la vérité intérieure, à la parole simple mais habitée.

Cela peut se faire seul, par une démarche d’introspection sincère, ou accompagné, à condition que l’espace d’accompagnement soit neutre, non jugeant, et surtout profondément conscient des dynamiques inconscientes à l’œuvre.

Pour l’EPV le verrou est présent et profondément ancré :

Il s’agit d’un verrou spatio-temporel de projection

Quand quelqu’un projette une blessure ancienne sur le présent :

-il croit sincèrement vivre une situation présente,

-mais il réagit à une scène du passée,

-avec un récit émotionnel intérieur verrouillé, imperméable aux faits réels.

Le cerveau refuse de voir l’incohérence, car ce serait trop douloureux de reconnaître l’illusion.

Alors que faire ? Peut-on le disrupter ?

Pas frontalement.

Dire « Tu projettes », cela revient pour lui à entendre : « Tu es fou » ou « Tu inventes ». (il va donc vous accuser de nouveau)

Le confronter au décalage renforce sa croyance. Il s’agrippe à sa réalité.

La seule voie possible : semis progressif, micro-doutes, miroir non intrusif.

On ne casse pas le verrou de l’extérieur.

Mais on peut le fragiliser doucement par des phrases, des attitudes, des vibrations de réalité, qui peu à peu peuvent provoquer :

-un trouble intérieur (« Et si ce n’était pas lui / elle ? »)

-un flottement émotionnel (« Pourquoi je me sens si activé ? »)

-un micro-éveil (« Peut-être que ce n’est pas juste ce moment-là… »)

Exemples de « graines de disruption douce » :

« Tu es en train de vivre quelque chose de fort… Est-ce que c’est moi vraiment qui l’ai déclenché ? »

« Est-ce que ça te rappelle autre chose, un moment plus ancien peut-être ? »

« Tu parles à moi… mais j’ai l’impression que ce n’est pas moi que tu vois. »

(Silence profond + regard stable) + « Je suis là. Maintenant. »

Raccorder le présent au présent

C’est un travail d’alignement vibratoire, pas de persuasion.

Il faut offrir au système de l’autre un autre rythme, un autre ancrage, un autre regard.

Et ce n’est que si une part de lui est prête que ce fil-là pourra être saisi.

En somme :

-pour un thérapeute : patience

-pour un conjoint : fuir.

15     Savoir ce qui appartient à soi ou à l’autre : réactions d’alertes internes (EPS) face à la parole de l’autre (EPV)

Dans une interaction en face à face (EPS/EPV), face à une réaction émotionnelle, comment distinguer si :

  • c’est une alerte vis-à-vis du verrouillage émotionnel de l’autre (EPV),
  • ou une projection de la propre blessure interne de l’EPV,
  • ou une blessure intérieure encore active en soi (EPS) ?

Récapitulatif des trois sources principales :

SourceDéfinition rapideComment la reconnaître
Verrouillage émotionnel de l’autre (EPV)L’autre ne réagit pas vraiment à toi, il est coupé de ses émotions, ou masque une dissonance intérieure.Sensation de froideur, incohérence subtile, réponses rigides ou mécaniques.
Projection émotionnelle EPVL’autre ne voit pas réellement qui tu es, il projette sur toi un ancien conflit ou une blessure non digérée.Réaction disproportionnée par rapport à ton comportement réel (accusation, rejet, attaque ou adoration exagérée).
Blessure encore active en soi (EPS)Une partie de toi est réactivée car elle n’est pas encore complètement apaisée.Sensation de « coup » intérieur : émotion vive, disproportionnée, qui persiste même après analyse objective.

Très marginalement, on pourrait ajouter :

  • L’intuition profonde : parfois, une alerte émotionnelle n’est ni une projection ni une blessure, mais une perception fine d’une incohérence invisible (ex : sentir un danger qui n’est pas encore manifeste).
  • Les dynamiques systémiques : dans un groupe, certaines réactions émotionnelles peuvent être amplifiées non par une personne en particulier, mais par la structure émotionnelle du groupe entier (ex : une atmosphère de peur collective).

Dans une interaction émotionnelle forte :

  • Les trois niveaux peuvent se superposer.
  • Son propre système d’alerte (amygdale, émotion) se déclenche AVANT que le cerveau rationnel ait le temps d’analyser.
  • L’autre personne peut elle-même être en train de projeter ou de se protéger, ce qui brouille encore plus les pistes.

15.1      Outil rapide de repérage émotionnel (Version pratique et simple)

Quand on ressent (EPS) une alerte émotionnelle dans une interaction, voici les questions à se poser ou à ressentir intérieurement :

1. Est-ce que je ressens une incohérence ou un vide chez l’autre ?

(pas de vibration, pas de véritable réponse émotionnelle, impression que ce que je dis ne touche pas réellement)

➔ Probabilité d’un verrouillage émotionnel chez l’autre.

2. Est-ce que je ressens une attaque, une étiquette, un jugement ou une admiration soudaine exagérée ?

(l’autre me voit d’une manière qui me semble déconnectée de ce que je suis réellement)

➔ Probabilité d’une projection émotionnelle de l’autre (EPV) sur moi (EPS).

3. Est-ce que l’émotion que je ressens est plus forte que la situation ne l’exigerait objectivement ?

(je ressens un coup au cœur, une tristesse, une colère, de l’abattement, une peur démesurée par rapport au contexte réel)

➔ Présence probable d’une blessure interne réactivée.

4. Est-ce que l’absence de réponse de l’autre (ou son attaque) réveille en moi une blessure ancienne connue ?

(rejet, abandon, trahison, humiliation, injustice, etc.)

➔ Ravivement d’une blessure intérieure par effet miroir (avec verrouillage ou projection).

5. Est-ce que, malgré tout, je sens une intuition calme, une sorte de « je sais », même sans comprendre pourquoi ?

(pas de panique, pas de colère, juste une certitude intérieure fine)

➔ Présence possible d’une intuition profonde (niveau supérieur de perception).

Résumé visuel ultra rapide :

Ressenti principalOrigine probable
Vide, froideur, incohérenceVerrouillage émotionnel chez l’autre
Attaque, admiration excessive, distorsionProjection émotionnelle de l’autre
Coup émotionnel disproportionnéBlessure intérieure non encore apaisée
Souffrance réveillée par l’absence ou l’attaqueBlessure + miroir (verrouillage ou projection)
Calme lucide malgré l’inconfortIntuition profonde

16     Signaux de bascule dans la bulle dramatique

Signaux chez l’EPV (Enfant Perdu Verrouillé)
Besoin de justifier constamment son comportement par une logique morale ou une souffrance passée.
Tendance à accuser l’autre d’être la cause de son mal-être sans remise en question personnelle.
Incapacité à ressentir ou reconnaître l’empathie même quand elle est présente.
Discours émotionnel maîtrisé dans la forme mais vide dans le fond (aucune incarnation réelle).
Sensation intérieure de devoir contrôler l’autre ou la relation pour ne pas s’effondrer.
Signaux chez l’EPS (Enfant Perdu Sensible)
Sensation de confusion émotionnelle ou mentale après les échanges.
Difficulté à parler, trous de mémoire ou perte d’accès à ses mots face à l’autre.
Tendance à s’auto-accuser, à douter de soi, même en présence d’injustice manifeste.
Épuisement émotionnel, physique ou moral sans cause claire apparente.
Crise ponctuelle : explosion, retrait extrême, sidération, besoin irrépressible de fuir ou de se taire.

17     Moyens concrets de sortie de la bulle dramatique

Moyens concrets de sortie pour l’EPS (Enfant Perdu Sensible)
Nommer ce qui est vécu, même de manière incomplète ou confuse.
Reconnaître sa souffrance comme légitime et ne plus la minimiser.
Mettre des mots sur les dissonances entre les paroles de l’autre et son ressenti réel.
Chercher un soutien extérieur neutre et bienveillant (thérapeute, ami, groupe).
Prendre de la distance physique ou symbolique si nécessaire (rupture, mise à l’abri, silence protecteur).
Moyens concrets de sortie pour l’EPV (Enfant Perdu Verrouillé)
Accepter l’idée que sa perception peut être faussée par une blessure ancienne.
Observer ses réactions automatiques sans chercher à les justifier.
Écouter sans interrompre, sans corriger, sans imposer son récit.
Se confronter à sa propre douleur passée, accompagnée si nécessaire.
Décrocher du besoin de contrôle pour réapprendre à ressentir, même l’inconfort.

18     Pourquoi « Bulle dramatique » ?

La bulle dramatique est un espace psychique et relationnel figé entre deux personnes, souvent en couple, où chacun joue un rôle inconscient – l’un dans le contrôle, l’autre dans l’effacement – sous l’effet de blessures anciennes non reconnues. Cette bulle se maintient par la projection, le déni et le masquage émotionnel.

Ce que « la bulle dramatique » permet d’exprimer :

Un espace relationnel plus qu’un schéma.

Une expérience plus qu’un concept.

Un piège, invisible, émotionnellement structuré, qui peut durer des années.

Et surtout : quelque chose dont on peut sortir, si on en prend conscience.

Parce qu’il fallait un mot qui ne soit pas pris. Parce que c’est un souffle. Une empreinte. Une manière de dire que ce modèle n’est pas une théorie, mais une expérience incarnée, observée, ressentie. Et partagée.

Ce n’est pas un jeu de rôles. C’est une prison de rôles.

Et pour en sortir, il faut d’abord en prendre conscience.

19     Conclusion – De la bulle intime à la folie du monde

C’est ainsi que l’on fabrique une société patriarcale.

Une société fondée sur le contrôle, la domination, l’oubli de soi et des autres, où l’on justifie l’injustifiable par des récits internes, où l’on projette à l’extérieur une douleur que l’on ne veut pas voir en soi.

C’est ainsi que l’irrationnel prend forme, que des peuples entiers adhèrent à des systèmes totalitaires, exterminateurs, déshumanisants – non pas par monstruosité, mais par blessure non reconnue.

Chaque Enfant Perdu Verrouillé pense « rétablir l’ordre », « corriger une injustice », « protéger le monde » – alors qu’il ne fait que punir les autres à la place de ce qu’il n’a jamais pu affronter en lui-même.

C’est ainsi que l’on peut comprendre, à travers cette grille de lecture, les systèmes nazis, les massacres rwandais, les viols de Mazan, les affaires Gregory, Emile, et tant d’autres « faits divers » tragiques :

un automate souffrant, coupé de lui-même, qui confond son passé avec le présent, et détruit ce qui ne fait que le rappeler à sa propre douleur.

Cette bulle dramatique ne se limite pas au couple. Elle traverse les familles, les institutions, les partis politiques, les systèmes éducatifs, les religions, les forums, les réseaux sociaux.

Elle est le véritable virus psychique, transmis de génération en génération, par le silence, l’aveuglement, la reproduction du non-dit.

Ce que les premières générations de l’après-guerre n’ont pas reconnu, ce que les suivantes n’ont pas su transformer, se rejoue aujourd’hui à travers la violence sociale, le racisme, le sexisme, le déni scientifique, le complotisme, les attentats, les exclusions.

Mais une issue existe.

La sortie ne viendra pas de l’accusation.

Elle ne viendra pas d’un autre modèle de domination.

Elle viendra d’un basculement intérieur :

passer d’un amour conditionnel, contractuel, lié à la peur, à un amour plein entier, inconditionnel, enraciné dans la conscience. (voir articles sur la peur et l’amour plein)

C’est cette blessure principale – le manque d’amour plein – qui crée la bulle.

Et c’est cet amour-là qui peut, doucement, la dissoudre.

Et c’est une autre bulle, une bulle d’amour entier et plein, qui peut, en silence, réparer la première.

La souffrance extérieure n’est que le reflet d’une blessure intérieure non reconnue.

Tant que chacun projette sa douleur sur l’autre, le monde ne changera pas.

La paix collective passe par une révolution intime : reconnaître sa propre blessure.

19.1      Changer de paradigme : guérir le monde commence en soi

Oui, ce que vous lisez ici est un changement de paradigme.

Il ne s’agit pas de simplement de « mieux communiquer », ou de « mieux gérer ses émotions ».

Il s’agit de repenser notre façon de penser.

De reconnaître que :

  • Ce que je ressens ne vient pas toujours de l’autre.
  • Ce que je rejette chez toi est peut-être ce que je ne supporte pas en moi.
  • Ce que je veux punir à l’extérieur est peut-être ce qui n’a jamais été accueilli à l’intérieur.

La blessure n’est pas dehors. Elle est là, en nous.

Et elle attend.

Non pas d’être niée.

Mais d’être reconnue, entendue, traversée.

Tant que nous refusons ce face-à-face,

tant que nous projetons notre chaos sur les autres,

nous continuerons à créer des cercles de violence,

des bulles de souffrance répétées, des systèmes d’oppression, des figures de haine.

Mais si chacun ose ce retournement intime, alors quelque chose change.

Le monde ne devient pas parfait.

Mais il devient vrai.

Et dans ce vrai, l’amour peut enfin circuler.


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